Cet article est dédié en particulier aux « jeunes » clavecinistes, mais peut peut-être servir à d’autres, qui sait…
Par « jeune », je veux dire débutant dans la carrière de concertiste. C’est mon cas, puisque cela fait seulement 5-6 ans que j’ai des concerts hors cadre du conservatoire où j’étudiais. A l’heure actuelle, la faute à « La Crise » (à prononcer façon « C’est le Nord » dans le film les Ch’tis), il devient difficile d’obtenir des concerts- sauf les concerts non défrayés et non payés, bizarrement! Outre un réseau intéressant, un CV bien rempli, une connexion internet performante et des heures et des heures de démarchage à disposition, une des clés de la réussite, c’est de monter un bon programme. Du coup, j'ai bien dû réfléchir à la question et voilà ce que j'en dis: Il n’existe bien sûr pas un mais des types de programmes, qu’on pourrait classifier ainsi : 1) les programmes de musique seule Je les diviserais en deux catégories - Les programmes « découverte »: Quand il s’agit de toucher un public qui n’est pas habitué à entendre le répertoire/l’instrument que vous jouez, le programme découverte est une bonne solution. Il s’agit de mettre des œuvres les plus variées possibles (style, époque, pays, caractère) de préférence avec une alternance entre des œuvres connues du grand public et des œuvres beaucoup moins jouées (répertoire contemporain, cross over, compositeurs méconnus). Ne pas confondre « découverte » avec « fourre-tout » ! Dans ces conditions, présenter votre instrument, dire quelques mots sur votre programme et inviter le public à vous poser des questions à la fin du concert me semble incontournable. L’époque où le musicien arrivait sur scène, jouait son programme d’une traite et retournait dans sa loge sans un regard pour les gens qui avaient fait l'effort de venir, c'est du passé, qu’on se le dise (et tant mieux !). - Les programmes « thématiques »: Ces programmes sont plus ciblés, soit au niveau de l’époque, du style, du genre des œuvres jouées : ce peut être par exemple « La Lignée des Couperin » (œuvres de Francois, Louis, Armand-Louis), « Musique à la cour de Dresde », « Toccatas et fantaisies ». Là encore, avoir une œuvre « phare » est intelligent, c’est attractif pour le public et donc cela rassure les programmateurs. Mais il faut aussi se démarquer et prendre des risques. Les musiciens baroques ont la réputation d’être des « défricheurs » de musique, il serait dommage de s’en tenir à des œuvres entendues mille fois alors que des trésors dorment au fond des bibliothèques. Le succès récent des créations mondiales de la Cappella Méditerranea (Il Diluvio Universale de Falvetti à Ambronay et l’Elena de Cavalli au Festival d’Aix-en-Provence) le prouve bien. Autre anecdote dans ce sens : je jouais dans le cadre du Fabulous Fringe Festival d’Utrecht et dans mon programme, j’avais mis une suite pour clavecin d’Elisabeth Jacquet de la Guerre, compositrice peu jouée. Cela a intéressé une journaliste de la radio néerlandaise présente dans la salle qui a souhaité m’interviewer à ce sujet et a passé l’extrait du concert sur les ondes, m’offrant une publicité inattendue. CQFD. Remarques : -Les programmes avec chant sont ceux qui ont le plus de succès à l’heure actuelle. - Pour les ensembles, un effectif réduit (3-5 musiciens) a plus de chances d’être accepté. 2) Les programmes interdisciplinaires (musique couplée avec théâtre, poésie, danse etc.) Ces programmes marchent plutôt bien en ce moment mais nécessitent de la réflexion afin de véritablement trouver une cohérence entre les différentes disciplines, il ne s’agit pas juste de coller un texte entre deux morceaux, il faut un lien thématique ou, en ce qui concerne la danse, un travail de précision pour synchroniser musique et chorégraphie. Il faut également songer que niveau répétition, il va falloir plus de temps et surtout arriver à combiner les emplois du temps des différents intervenants. Mais le jeu en vaut la chandelle, c’est très gratifiant d’avoir l’impression de créer un spectacle complet. 3) Les programmes pour public scolaire. Ces programmes durent en général de 30 minutes à 1h selon l’âge du public (45 minutes étant pour moi la durée idéale). De préférence, il faut y mettre un répertoire varié au niveau de l’effectif instrumental/vocal et du caractère des pièces, avec des œuvres courtes afin que l’attention du public ne se perde pas trop en route. Utiliser un programme interdisciplinaire est intéressant, car il rajoute une dimension visuelle ou un texte que les enfants peuvent suivre (à adapter une nouvelle fois selon la situation). Pour intéresser ce public, il est souhaitable d’expliquer et de faire la démonstration des instruments un par un, de dire un mot sur les œuvres et de proposer au public un temps pendant lequel il pourra poser des questions et approcher les instruments. Ce type de programme est en plein développement, et pour cause. Il apparaît clairement que le public qui vient au concert de musique classique a en moyenne plutôt 60 ans que 25. Si nous ne réfléchissons pas au moyen d’attirer un public plus jeune et de faire voler en éclats l’image (fausse, je m’exprimerai sûrement à ce sujet dans un autre article) élitiste, guindée et inaccessible financièrement de la musique classique, nous n’aurons bientôt plus que nos yeux pour pleurer devant des salles à moitié vides. En plus, le naturel et la curiosité des enfants réservent de telles surprises au moment des échanges qu’il serait dommage de se priver d’un bon moment. Derniers conseils : - Dans vos démarches, n’envoyez pas que le programme et votre CV. Joignez un enregistrement et une présentation détaillée du programme. Si vous avez un site internet, tant mieux, indiquez-le. Soignez la présentation visuelle du dossier, la langue et personnalisez-le selon le destinataire (salle de concert, musée, festival, établissement scolaire, conservatoire etc.) Bonne chance!
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A proposParce que j'ai toujours aimé écrire. Et partager ma passion de la musique..... Categories
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