Les examens.
Ah. J’attaque dur, n’est-ce-pas. Du matin comme ça, un beau jour de Juin, vlan, un mot qui donne envie de se recoucher direct…. Pourtant j’avais envie d’en parler, aujourd’hui, non pas dans un cadre général, bien que ce soit la période du Baccalauréat, mais dans celui plus spécifique de l’enseignement musical. Musicienne professionnelle, ayant commencé la musique à 6 ans et ayant aujourd’hui 21 ans de plus, j’en ai passé beaucoup, des examens. Quand j’ai commencé le clavecin, pendant le premier cycle, j’avais la visite du directeur en cours d’année qui venait juger de ma technique et de mes progrès musicaux, donc je lui jouais des petites gammes, des arpèges, un petit morceau. Assez courte et informelle comme rencontre mais quand même, c’était Monsieur le Directeur ! Et puis : fin de premier cycle, l’Examen avec un grand E. Premier gros stress. Papa et maman qui sont là pour encourager, bien sûr, mais ce ne sont pas eux qui passent l’examen et si c’était le cas ils se rendraient compte que « T’inquiète pas, bichette, ça va bien se passer » n’est pas une formule magique. Ensuite s’est installée une routine : examen de Formation musicale alternant avec examen d’instrument, ça passe ou ça casse, et re-belote l’année suivante. 1er cycle, 2e cycle…. Et puis les choses sérieuses ont commencé. Examen de fin de DEM du CRR d’Amiens. Ca passe bien. La musique est ma voie, je décide donc de faire une préparation à l’entrée des Conservatoires Supérieurs de musique (CNSMD), seuls habilités à délivrer des diplômes supérieurs à l’époque. Je passe avec succès le concours d’entrée du CRR de Boulogne-Billancourt et là, bim: « Nous ne prenons pas en compte le fait que vous avez déjà eu un DEM, nous avons nos propres exigences de niveau, il faut en refaire un chez nous ». Ah. Donc musique de chambre, formation musicale, analyse, clavecin, basse continue, tout ça c’est à repasser ?? Je serre les dents (heureusement, les cours de clavecin étaient vraiment super, ça aide) et obtiens ce fichu DEM bis en 2007. La même année, je réussis le concours d’entrée du CNSMD de Lyon. Et c’est parti ! Examen de Licence en 2010, Examen de Master 1 en Erasmus au Conservatoire de La Haye en 2011, Concours d’entrée pour la Formation en 2011, Master d’instrument en 2012, Examen du Certificat d’Aptitude à l’enseignement en 2013. Οn en est à combien, là, une vingtaine, une trentaine d’examens ? Il m’en reste encore un, et un sérieux à passer, dont je parlerai peut-être un jour, le fameux concours du CNFPT. Mais j’ai fait le plus gros je dirais. Pourquoi ce résumé de mon parcours, vous direz-vous ? Οù est-ce que je veux en venir ? Ben voilà, j’ai un sérieux souci avec les examens dans le cadre de l’enseignement de la musique et envie de livrer mes réflexions à ce sujet. Question : qu’est-ce que représente l’apprentissage de la musique pour la plupart des gens ? Il me semble que c’est un loisir. Au même titre que le sport, le théâtre, le dessin etc. Un loisir très complet, certes, qui fait appel à de nombreuses facultés physiques et intellectuelles, mais je le répète au risque de friser l’itération maladive : un LΟISIR. Loisir-examen-loisir-examen. C'est comme soleil et Picardie,c'est presqu'un oxymore. Alors, re-questions : -Comment se fait-il que l’enseignement musical s’inscrit aujourd’hui dans un système où les évaluations certificatives sont quasiment aussi fréquentes que la scolarité générale ? -Comment se fait-il qu’un enfant ou un adulte qui veut avoir une formation poussée avec des enseignants qualifiés se retrouve à passer des dizaines d’examens toutes disciplines confondues (et encore je suis gentille) du 1er au 3e cycle ? Et que s’il ne réussit pas, il peut se retrouver expulsé manu militari ? Quand j’étais en troisième cycle, je me suis retrouvé avec des gens qui étaient très bons en instrument et nettement moins en formation musicale. L’un d’entre eux a dû arrêter ses études d’instrument faute d’avoir obtenu le Graal, c’est-à-dire le Diplôme de Fin d’études de FM, au bout de trois tentatives. Il était à deux doigts d’obtenir son DEM et avait envie de rentrer au CNSM, mais voilà, il s’est retrouvé sorti sans le diplôme. -Comment se fait-il que, en ce qui concerne les examens de FM, ce soit la même formule pour tout le monde, quel que soit le contenu de sa formation instrumentale ? Moi aussi j’ai eu des difficultés à obtenir ce DFE. J’ai une bonne oreille mais pas l’oreille absolue (bouuh la honte) et venant du clavecin accordé en tempérament au diapason 415, les dictées de clusters ou d’intonation avec des notes isolées sur un piano au tempérament égal diapason 440, cela ne passait pas toujours tout seul. Quand j’ai compris d’où venait le problème, j’ai appliqué la solution suivante, pas de clavecin pendant 3 jours avant l’examen de FM, mon diapason 440 vissé à l’oreille et une petite cure de Chopin, et ça allait mieux. Une partie de basse continue à prendre en dictée, des accords usités dans la période baroque à relever, ou un bout d’invention à 2-3 voix de Bach à retranscrire, un dépistage de faute dans un contrepoint ou un concerto pour clavecin à effectuer, ça, ça aurait correspondu à mes préoccupations d’élève avancée en clavecin. Tout comme un percussionniste pourrait avoir un examen faisant la part belle au rythme, un chanteur à l’intonation, un clarinettiste à la transposition. Sans occulter les autres apprentissages (savoir lire, chanter, entendre, analyser), mais il me semble que cela leur serait plus utile pour leur futur musical que des épreuves qui ne semblent avoir été faites que pour les pianistes. A ce propos, il m’est arrivé une fois de passer une épreuve de déchiffrage à l’instrument sur piano (vive les repères visuels et digitaux), parce que « vous comprenez, on ne va pas déplacer le clavecin pour une élève ». Ben oui, bien sûr, un clavier, un autre clavier, des cordes, c’est tout pareil, hein. n peut me répondre : 1) Cela coûterait cher de faire des épreuves personnalisées…. Ce n'est pas faux, mais: - d’une part ce serait à partir d’un niveau de 2e voire 3e cycle, car au début il y a quand même des bases communes, donc il n’y a pas tant d’élèves concernés que ca (c’est malheureux, mais beaucoup abandonnent avant !) - il n’y aurait pas forcément besoin d’avoir des jurys différents, les professeurs de FM ont une formation suffisamment large. "Juste" avoir des salles et des examinateurs. - Enfin,10%-30 % d’échecs aux examens, ça a aussi un coût. 2) Comment prétendre à l’égalité de traitement si les épreuves sont différentes. ? D’une part, les études ont démontré qu’en terme d’évaluation, l’égalité de traitement est une utopie. Selon le jury, son humeur, l’heure de la journée, l’hétérogénéité du niveau au sein du groupe évalué, les notes peuvent varier énormément. Si on fait renoter les copies d’un jury par un autre, elles obtiendront des notes différentes, et même si on le fait renoter une année plus tard par le même jury ! Et je ne parle même pas des différences de niveau d’examen entre deux établissements…. Faire correspondre les épreuves aux compétences développées non seulement dans le cours de FM mais aussi dans le cours d’instrument du fait de l’instrument même et de son répertoire me semble plus égalitaire que faire une épreuve type qui ne prend pas en compte la disparité de ces compétences. Mais là, c'est déjà rentrer dans les détails de forme avant d'avoir discuté du fond. Voici mon problème. Les examens ont des effets négatifs que j'ai pu constater en tant qu'élève puis de l'autre côté du miroir, en tant que prof et sur lesquels j'ai dû mal à fermer les yeux: 1) Ils stressent et découragent les élèves. Un très grand nombre d’élèves arrêtent leurs études. La faute à pas de temps, à pas de motivation ? Peut-être, mais aussi au ras-le-bol de ces évaluations permanents qui leur gâchent la vie. Imaginer d’échouer et de devoir arrêter l’instrument m’a fait passer des nuits blanches. Je me rappelle des maux de ventre juste avant d’entrer dans la salle, des mains qui tremblent, du cœur qui s’emballe, de l’impression de ne plus rien savoir. A force on finit par savoir comment gérer (je donnerai sans doute des conseils dans un prochain article), mais ça reste toujours un moment difficile. Tout ça, quand je suis jury, je m’en rappelle. Quand je vois les gens devenir rouges de trac, perdre leurs moyens, je compatis. Quand j’entends un élève dire après un échec « je pense arrêter », je suis très émue et je me dis que c’est un beau gâchis. Je m’étais dit : « jamais je ne serai jury d’examen! ». Pourtant je l’ai déjà été et je le serai sans doute encore. Ai-je retourné ma veste? Non. J’ai juste réfléchi un peu plus. J’ai eu la chance parfois d’avoir des jurys qui m’ont donné des conseils pour progresser plutôt qu’un simple non/oui/TB/AB. Je me dis que je peux peut-être rendre ce que j’ai reçu et essayer d’être moi aussi un « jury-conseil ».Adoucir le processus. Si je me rends compte que je suis en train de devenir « jury-sanction » ou que je me ruine le moral à culpabiliser pendant trois jours devant un examen non réussi, j’arrêterai. Voici le point qui me semble le plus crucial. Quand on voit le nombre d’abandons en cours de scolarité et l’explosion des cours particuliers, cela laisse à réfléchir…. Mais il y a autre chose: 2) Ils brident la créativité pédagogique des professeurs. J’enseigne en cours particuliers à côté de mon poste à mi-temps en Conservatoire. Mes élèves ont généralement le temps de cours suivant, qui est calculé en fonction de leur âge et non de leur niveau : -10-15 minutes pour les 4-7 ans -30 minutes pour les 7-9 ans - 3/4h/1h au-delà. 3/4h/ une heure pour un élève débutant, c’est plus que ce qu’on leur donne en général dans un Conservatoire, mais pendant ce temps je fais tout: la FM (rythme, lecture, chant, théorie) et l’instrument (le répertoire instrumental, l’improvisation, l’analyse du répertoire, l’écriture, la basse continue). Il n’y a bien évidemment aucun examen. Et bien, je ne constate aucune différence négative en terme de niveau entre mes élèves en cours particuliers et mes élèves en Conservatoire. Par contre, moi, j'y vois des avantages. J’envisage leur progression sur du long terme sans m’inquiéter des paliers de progression qui finiront par être surmontés, je peux adapter le contenu du cours en fonction de leurs aptitudes et de leurs difficultés et je peux faire des détours si je considère que passer du temps sur tel point permettrait d’obtenir des progrès rapides par la suite, sans être en train de calculer dans ma tête : « dans trois mois, il faut qu’il puisse jouer mains ensemble tel morceau pour l’examen », « plus qu’un an , et c’est la fin de cycle, il va falloir se préoccuper de ça, ça et ça sinon il ne l’aura pas». J’ai des petits qui au bout d’un an d’instrument ne savent pas encore très bien lire les notes ou le rythme, mais qui par contre savent jouer 4-5 morceaux par cœur à 2 mains, savent inventer une mélodie pour faire un canon et le réaliser, ont écrit plusieurs mélodies à partir d’une basse donnée et savent accompagner en musique des histoires ou des vidéos et j’en passe. J’apprécie beaucoup de travailler au Conservatoire, de pouvoir faire jouer mes élèves avec d’autres, de créer des projets, d’avoir des moyens techniques pour organiser des concerts d’élèves, pouvoir collaborer avec des collègues, ça ouvre des perspectives magnifiques, mais je trouve que l’omniprésence oppressante des examens me lie les mains quant au contenu de mon enseignement. 3) Ils jugent d’un instant T pas forcément révélateur. Combien de professeurs ont connu : - un élève sérieux, ayant fait de gros progrès, jouant son programme de manière convaincante trois jours auparavant, et qui pourtant perd totalement ses moyens pendant l’examen ? - un élève n’en ayant pas ramé une pendant toute l’année, à tel point que par désespoir on a choisi un morceau limite pas du niveau pour son examen histoire de ne pas le condamner à l’échec et qui a la dernière minute se met à bosser jusqu’à le jouer suffisamment propre pour passer. Quand on juge un examen instrumental, on ne sait pas grand chose de l’élève, on juge juste ce qu’on entend, et ce qu’on entend ne nous dit pas tout. Οù en était-il trois mois auparavant ? Quelles sont ses facilités, ses difficultés ? Qu’est-ce qui vient de lui, qu’est-ce qui vient de son professeur ? Il y a une prise de conscience de ce problème et des propositions sont faites: on fait des bilans en cours d’année, le professeur ou l’élève est parfois invité à s’entretenir avec le jury, le jury est parfois invité à venir écouter/donner cours à l’élève plusieurs semaines avant l’examen….Mais il y a encore du chemin à faire. 4) Ils formatent le répertoire Si on regarde le contenu des programmes d’examen, on se rend compte qu’ils se ressemblent terriblement. La raison en est que le professeur, quand il choisit pour son élève les morceaux à jouer, essaie de trouver des pièces représentatives d’un niveau instrumental. Un jeune professeur n’a pas de critères très précis, il angoisse à l’idée de donner des choses trop faciles/trop difficiles, donc que fait-il ? Il regarde les programmes d’examens d’autres établissements, il essaie de se rappeler des siens, il demande à des collègues. Et il finit par intégrer une norme. Il y a ainsi presque toujours le petit prélude et fugue de Bach (pour le contrepoint), la sonate de Scarlatti (pour la virtuosité), le François Couperin ou le Rameau (pour le toucher). Et ce qui est flagrant, c’est que les élèves intègrent eux aussi cette norme et que même lorsqu’on leur laisse carte blanche, ils restent dans ce programme-type. J’ai déjà entendu des clavecinistes raconter qu’ils avaient envie de jouer une pièce totalement inconnue à l’examen et qu’on les en a dissuadés car « le jury aurait du mal à la juger ». Il n’y a eu qu’au CNSM que l’originalité est devenue acceptable voire encouragée (encore que, un programme de Master de clavecin sans une pièce de Bach, il faut bien le chercher). Un de mes professeurs du CNSM m’a raconté un jour que pour son examen il avait joué entre autres un ragtime de Scott Joplin et qu’on l’avait incendié comme quoi ce n’était pas un choix décent. Bon, c’était il y a vingt ans, mais est-ce que ça a vraiment fondamentalement changé ? 5) Ils formatent la façon de jouer Toujours cette histoire de norme. Les prises de risque en terme d’interprétation sont moins grandes pendant l’examen parce qu’autant le professeur que l’élève craignent la réaction du jury. Οn ne sait pas quelles vont être ses positions esthétiques, surtout qu’en général il est constitué de plusieurs « spécialistes », alors on prend la voie du milieu. Certains élèves préfèrent même se faire une première (ou une dernière) idée des œuvres qu’ils ont à jouer en écoutant des enregistrements dits « de référence », histoire de ne pas tomber à côté. Après avoir exposé tout cela, il me reste une grande question : Mais au fait, les examens sont-ils nécessaires ? Au risque de me faire voler dans les plumes, voici mon point de vue : c’est NΟN (SAUF….). D’abord, le NΟN. Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, tout simplement. Et aussi parce que d’autres pays nous montrent qu’il y a d’autres voies possibles. Prenons l’Allemagne. Il n’y a pas d’examens imposés avant la voie de professionnalisation (qui s’effectue dans les Musikhochschule). Les élèves, quand ils ont envie de faire valider un niveau ou juste estimer leurs progrès, s’inscrivent et passent devant jury. C’est le principe du « Wer will, kann, wer will nicht, muss nicht ! » (celui qui veut peut, celui qui ne veut pas n’est pas obligé). Est-ce que les allemands sont moins bons en musique ? Je ne crois pas, il n’y a qu’à regarder les résultats de concours internationaux pour voir qu’ils n’ont pas à rougir de leurs étudiants. Ensuite le (SAUF) La seule raison valable à mes yeux pour avoir un examen pendant l’apprentissage musical, c’est quand un élève veut devenir professionnel. Là, il faut des diplômes, je suis bien placée pour le savoir. Et qui dit diplôme dit examen/concours. Mais ce cap se produit après des années et des années d’étude et il ne concerne qu’une infime partie des apprenants. Si l’objectif de l’enseignement musical est d’aboutir à ce que les élèves arrivent à jouer, à comprendre ce qu’ils jouent et à créer de la musique, si l’objectif est que chacun aille au maximum de ses capacités, qu’il y ait examen en cours de route ou pas, il y aura des élèves qui atteindront le niveau pour prétendre à une carrière et d’autres qui resteront des amateurs heureux de l’être (d’ailleurs être amateur ne signifie pas forcément qu’on n’avait pas les capacités pour, mais qu’on a choisi une autre option de carrière, fin de la parenthèse) . Les professeurs qui sont passés par là savent tout ce que cela demande comme travail, comme aptitudes et comme motivation de devenir musicien, ils savent que ce n’est pas accessible à tout le monde, mais s’ils en sont là, c’est aussi qu’ils ont eu un grand plaisir à jouer c’est ça qui devrait être la norme. Donc moi, ce que j’aimerais, c’est un système d’enseignement où un enfant/ un adulte pourrait s’inscrire en école de musique publique (oui, publique, je sais bien qu’il existe des écoles privées qui ne font pas d’examens, mais elles ne sont pas accessibles à tous les budgets et je suis pour un enseignement ouvert au plus grand nombre) et faire une bonne dizaine d’années d’instrument sans aucune évaluation subie. Avec juste des auditions de classe, des projets d’orchestre, des concerts réguliers qui l’habituent à jouer en public, sans d’autre stress que celui de la scène. Avec un professeur qualifié et passionné, qui l’accompagne, un professeur capable d’estimer son niveau, sa progression au fil des années et de lui en rendre régulièrement compte, en concevant des objectifs qui lui correspondent et un programme sur mesure. Et qui, si un jour un de ses élèves lui dit « j’aimerais faire de la musique mon métier », sera capable de le préparer au concours d’entrée en formation professionnalisante et l’aider à réaliser son rêve. Voilà. Débat ouvert et récit d'expériences bienvenus.
4 Commentaires
Quand cette question est posée à un artiste, la première réponse qui vient le plus souvent est : « par passion ».
Il est vrai que les musiciens ont en général une relation assez fusionnelle à leur art. La musique leur occupe l’esprit, le corps et le cœur. C’est une maîtresse exigeante, possessive même. Elle leur demande un travail constant, de la patience, de la ténacité et mobilise toute leur habileté et leur sensiblité. Inconstante autant que généreuse, elle leur offre souvent des sensations extraordinaires mais parfois aussi, se dérobe, leur échappe et met leurs nerfs à rude épreuve. Il n’y a pas de certitudes en musique, pas de routine à laquelle se raccrocher: le musicien évolue tel un équilibriste sur un fil qui oscille et menace de se rompre à tout instant. C’est ce qui en fait le prix, d’ailleurs. Mais cette implication totale n’est pas sans danger. Pourquoi par exemple, les artistes ont-ils autant de mal à supporter la remise en cause de leur travail ? Parce que cela les remet en cause dans leur identité même. Ils sont la Musique et elle est en eux. Quand un musicien joue, il met en jeu la part la plus profonde et la plus inconsciente de son être. Il dévoile une partie de leur intimité en espérant au pire la bienveillance, au mieux une adhésion enthousiaste. Un concert, une audition « ratés », ce n’est pas qu’une déception, c’est un effondrement de valeur humaine, du sommet au triple zéro. Certains y sont moins sensibles, car ils arrivent à se projeter dans des horizons plus heureux, ou bien à compenser par le souvenir de meilleures occasions. Pour les autres, c’est juste un cataclysme personnel. Et la plupart du temps, le pire c’est que ce n’est même pas le public qui a jugé en premier que c’était « raté », mais eux-mêmes. Par peur de se retrouver dans cette situation, il arrive qu’un musicien travaille jusqu’à dépasser ses limites physiques et psychiques, jusqu’à s’effondrer. Tout enseignant responsable, tout ami attentif qui remarquerait qu’un musicien s’engage dans cette impasse devrait tirer la sonnette d’alarme…Et c’est un vrai travail sur soi que de savoir distancier sa personne de son action : « j’ai mal joué », et non « je suis mauvais ». C'est un point qui me tient à coeur, mais bon le développer m'éloignerait trop du sujet initial. « Passion », disais-je donc. Oui, mais avec tout les réalités que ce mot recouvre : enthousiasme, amour, engagement, feu, haine, égoïsme, générosité… Egoïsme, car l’implication d’un musicien dans son métier est telle qu’il peut en oublier parfois qu’il existe d’autres choses dans la vie : des amis, une famille, un conjoint, qui tous ont besoin d’attention, d’affection et peuvent ne pas comprendre que l’on ne trouve pas de temps pour eux, et même parfois qu’on ne pense même pas à eux, pris comme nous sommes dans notre bulle de sons. Mais générosité aussi, car le métier de musicien repose sur l’idée de partage. N’est pas Musicien, mais musicien avec un tout petit « m » celui qui reste dans son coin à jouer pour lui-même. De même, un concert ne devrait jamais être pas un monologue mais plutôt une sorte de conversation sans langage. Un Musicien, c’est celui qui par différents moyens (concert, enregistrement, enseignement) cherche à rendre au centuple ce don qu’il a reçu, à donner en partage ce quelque chose d’inutile (au sens premier du terme) mais d’ô combien précieux qu’offre la musique. Appelons cela comme l’on veut : part de rêve, évasion, catharsis, émerveillement, suspension.... D’un autre côté, Passion n’est peut-être pas le mot qui convient. Car dans « passion » il y a l’idée de quelque chose de très fort certes, mais également d’éphémère. Un feu ardent mais voué à finir en cendres. Or la relation qu’entretient le musicien avec la Musique s’inscrit dans la durée. Il lui faut des années pour maîtriser l’aspect purement « technique » de son jeu et bien une vie entière pour essayer, tout en sachant que c’est peut-être chercher l’impossible, d’atteindre le sublime, l’absolue harmonie entre la forme et le fond, la lettre et l’esprit, le rationnel et le sensible. Plus qu’une simple attirance, la Musique nécessite un attachement. Irrésistible. Inaltérable. Cet attachement peut s’incarner dans un instrument précis, ou pas. Personnellement, quand j’ai entendu pour la première fois un clavecin, j’ai su. J’avais 6 ans et déjà - sans pouvoir l‘exprimer autrement que par « je veux faire ça ! », bien sûr - je savais que quoi qu’il arrive, cela ferait partie de ma vie et que je ne pourrai pas m’en passer. Par la suite, je me suis intéressée par curiosité à bien d’autres choses, il y a eu des hauts et des bas, des crises même, mais ce lien particulier au clavecin est resté. Fin de la parenthèse personnelle. En fait, je crois que l’on devient musicien professionnel quand on a la révélation, un jour, qu’il n’y a pas d’autre option, que pratiquer en amateur en ayant un autre métier à côté, ce serait déjà une trop grande concession, que cela ne suffirait pas à combler cet appétit irrésistible de beauté, de vibration intérieure, que l’on souffrirait chaque jour d’un manque qu’on ne pourrait même pas expliquer. Ce n’est même pas le métier d’artiste qui attire, encore que pour certains, il y ait là une idée de prestige, d’excellence qui peut flatter l’ego et donner envie d’accéder à ce statut. Non, je crois plutôt que ce qui nous pousse dans ce métier hasardeux, c’est cette sensation que c’est là le seul moyen pour nous de vivre pleinement. D’être pleinement. Une fois cela posé, il n’y a plus d’obstacles, ou en tout cas, ils deviennent insignifiants. Peu importe s’il faut travailler d’arrache-pied, endurer toutes sortes de fatigues, exercer dix métiers en un pour vivre, peu importe si le salaire n’est pas à la hauteur, si la santé va et vient, si le découragement survient, si parfois l’on se sent vide et l’on ne sait plus qui l’on est et ce que l’on a dire, l’on sait qu’il faut continuer et qu’il y aura des joies qui balaieront tout ca. Et puis bien sûr, il y a les Rencontres. Rencontres d’artistes et d’enseignants formidables qui vous font exaltent, vous poussent à donner le meilleur, vous encouragent, vous inspirent. Et puis enfin tous ces petits moments magiques qui vous redonnent la foi et l’enthousiasme et surviennent parfois quand vous ne les espériez plus...Je vous en raconterai sûrement certains... plus tard! Petit article « coup de gueule» cette fois.
Comme vous le savez, je donne des cours particuliers et j’ai le plaisir d’avoir une quinzaine d’élèves âgés de 5 ans à plus de soixante ans. Bon, tout va bien jusque là. Seulement, parmi eux, près d’un bon tiers ont fait appel à un enseignant à domicile parce qu’ils n’ont pas pu obtenir de place en Conservatoire. La raison invoquée, de manière plus ou moins implicite ? Trop vieux. Ah. A 12 ans? Moi, ça me pose un problème. Un double problème même. Par la raison en soi, comme je vais l’expliquer plus loin, et par son effet sur mes élèves : dépréciation, dépit, découragement. Un trio infernal de D, qui fait écho à ce que j’en pense : décevant, pour ne pas dire d****e (oui, je me suis levé du pied gauche ce matin). J’entends déjà les réparties: - « oh, ne te plains pas, ça fait tes affaires ». Bien sûr que ca m’apporte des élèves, mais les plaintes de mon compte en banque n’étouffent pas encore celles de mon éthique personnelle, désolée. -« C’est ce qu’on leur a dit pour pas les vexer, mais en fait ils n’étaient juste pas assez bons ». D’une : un débutant, ça doit être bon déjà? Première nouvelle ! De deux, c’est sûr que niveau diplomatie, on atteint là des sommets. On savait déjà que les adultes étaient rarement les bienvenus, ou en tout cas placés en queue de liste. Je ne dis pas que commencer très tôt un instrument ne soit pas une bonne chose. Les enfants ont une capacité d’apprentissage absolument hallucinante, ils sont souples de corps et d’esprit, spontanés et créatifs. Bien sûr, ils ont de nombreux atouts. Mais désormais, la date de péremption du débutant s’abaisse dangereusement en dessous de la barre des 10 ans et il souffle un courant de jeunisme qui claque les portes des établissements au nez de ceux qui ont eu le malheur de l dépasser. Je ne suis pas non plus hors des réalités : la demande est supérieure à l’offre et même avec la meilleure volonté, les établissement n’ont souvent le budget ni pour engager des professeurs supplémentaires, ni pour pousser les murs et construire des salles. L’heure est à l’économie, on nous le répète bien assez. Cependant, pourquoi ne pas à ce moment là appliquer la règle simple du « Premier arrivé, premier servi » ? En quoi un adulte ou un ado aurait-il moins le droit de rentrer qu’un enfant? On le sait en plus, que beaucoup des enfants qui s’inscrivent en débutant sont poussés par leurs parents et que le nombre d’abandon en IIe cycle et IIIe cycle est très élevé parce qu’il n’y a pas eu une motivation personnelle à la base ! Certes, il y a aussi des adultes qui abandonnent, faute de pouvoir trouver le temps nécessaire à la pratique, du fait de leur activité professionnelle. Mais pourquoi les décourager au départ ? Pourquoi dire à des enfants de 12 ans qu’il est « trop tard » pour l’instrument qu’ils ont choisi, mais que s’ils veulent, il reste des places en clarinette, clavecin ou contrebasse (oui, et à la piscine d’à côté aussi, tant qu’on y est)? Pourquoi l’âge semble-t-il être un critère aussi important? Hé bien - c’est mon avis et je suis prête à en discuter - , parce que malgré leurs beaux projets d’établissement où clignote en gras le mot magique « amateur » , beaucoup des conservatoires ont quand même l’ambition de former des musiciens professionnels. Limite d’âge du concours d’entrée des CNSMD ? 21 ans pour Paris, 26 à Lyon. Vu comme ça, c’est sûr qu’il faut commencer tôt pour atteindre le niveau demandé ; si on pouvait commencer in vitro, ce serait même l’idéal. Cela explique aussi en partie la logique d’examens réguliers avec un nombre de tentatives limitées, la nécessité d‘obtenir toutes ses UV pour passer, etc. Garder ceux qui réussissent et qui sont bons en tout. Une logique toute simple qui tient en un mot : écrémage. Aujourd’hui, j’avais envie de dire que cette logique ne me convient pas et que pour moi elle va à l’encontre des valeurs même que les établissements d’enseignement musical devraient défendre. Partage. Ouverture. Accueil. Surmonter les faiblesses, renforcer les points forts, s’adapter, inventer, essayer de donner à quiconque, quel que soit son bagage et ses aptitudes, la possibilité de jouer et de se faire plaisir, c’est pour moi le travail d’un enseignant. Difficile, certes, mais passionnant. Il n’y a pas d’âge limite pour la Musique. Et elle n’est pas un monde d’initiés ou d’élite. Pour qui accepte d’y aller à son rythme, avec passion, modestie, patience et persévérance, les portes s’ouvrent. (Mais attention, il faut y mettre du sien, sans quoi l’enseignant ne pourra pas faire de miracles !) Alors, si un jour on vous refuse une place, à vous ou à votre enfant, pour cette raison, ne vous laissez pas arrêter, ne perdez pas courage, et puisqu’on vous refuse la porte, hé bien….passez par la fenêtre ! Qu’elle est parfois dure la vie d’artiste !
Jouer après des heures de voyage en train ou en avion. Jet-lag, retard stressant, fatigue accumulée. Nuits d’hôtel solitaires. Ville entre-aperçue, si ce n’est la gare ou l’aéroport. Froid d’une église où il faudra garder ses mitaines jusqu’à la dernière minute ou salle surchauffée. Accord de l’instrument qu’on aimerait fait dans le silence, et non dans le raclement des chaises des premiers arrivants. Acoustique aléatoire. Trac, mal de ventre, les mains qui tremblent. Sentiment qu’on risque gros à se mettre ainsi à nu. Quelque soit notre état physique et mental, assurer. Plaire. Emporter l’adhésion du public, qu’il soit enclin à l’enthousiasme ou blasé au possible. Concentration. Adrénaline qui redescend dans les applaudissements et nous met à plat. Et entre les concerts, travailler, monter le nouveau programme, répéter sans relâche… Bon, allez, avant que vous ne sortiez vos mouchoirs, je vais vous raconter mon concert de jeudi dernier, à Bologne. Déjà, rien que l’idée d’aller en Italie a été pour moi comme un rayon de soleil dans la tristesse automnale. C’est un pays que j’aime, et j’y ai une partie de mes racines. L’Italie, ca fleure bon la pasta, les glaces, les palais aux portes et aux façades décorées, les fontaines imposantes sur les places, les églises chargées de sculptures et de tableaux et la langue qui chante dans les rues. Clichés peut-être, mais beaux alors ! Bologne. Une petite ville, dont certains diront que ce n’est pas la plus jolie d’Italie, mais qui pourtant recèle des petits trésors à chaque coin de rue pavée. Bologne. La collection Tagliavini, dans le musée San Colombano. Plus de 80 instruments historiques : des clavecins, épinettes, orgues, pianofortes à ne plus savoir où donner de la tête. C’est ainsi que jeudi soir, en compagnie des trois autres lauréats du concours de novembre dernier, Elisabetta, Luca et Clément, j’ai joué sur une épinette fin XVIIe et deux clavecins italiens du XVIIe et XVIIIe siècles, à la personnalité forte. Mécanique très délicate, quelques surprises, quelques caprices, mais beaucoup de générosité. Et quel cadre (http://www.genusbononiae.it/index.php?pag=62 pour quelques photos)! Bonne ambiance entre musiciens, public chaleureux et attentif, organisateurs aux petits soins. Repas amical d’après-concert dans une trattoria puis visite nocturne de la ville en compagnie d’un étudiant passionné d’architecture et de manuscrits anciens. De ces concerts là, l’on part comme l’on sort d’un beau rêve : à regret. Alors oui, il y a du vrai dans le tableau sombre du début. C’est une des facettes du métier, que la fascination pour le statut de « l’Artiste » peut faire oublier. Mais ne voyons pas la moitié vide du verre : ce métier que j’ai choisi et que quelque soient les difficultés, j’essaierai de conserver, quels beaux moments il offre ! Que de souvenirs à conserver précieusement ! Alors aujourd’hui, malgré les doutes et la fatigue, je ne dis pas « Assez, je n’en peux plus », mais : « Encore! ». J'ai toujours été étonnée que nous, musiciens professionnels, puissions penser que nous enfermer dans une salle de travail pendant 8h d'affilée chaque jour que Dieu fait peut nous amener à produire le meilleur de nous-même.
Outre le fait que, la concentration et le corps humain ayant leurs limites, cela revient à s'infliger "volontairement" un mini-marathon quotidien qui laissera à terme des séquelles, il me semble qu'à moins qu'un travail aussi intense et solitaire ne nous mette dans un état de méditation permettant d'atteindre notre moi profond et découvrir des émotions insoupçonnées, l'on en ressort plutôt atrophié du sentiment. Et que si le concert a venir sera d'une propreté impeccable, il aura aussi la saveur fadasse d'un légume de grande surface. De quoi avons-nous peur, comment en sommes nous venus à considérer notre instrument comme une bouée à ne jamais lâcher sous peine de couler? Après 15, 20 ans de pratique, allons-nous vraiment perdre nos capacités en un jour, ni même en une semaine de relâche? Que cherchons-nous à faire quand nous nous acharnons ainsi? A atteindre la perfection technique absolue? La belle gageure! Ne rêvons pas, nous n'atteindrons jamais l'idéal artificiel du disque. Nous sommes des êtres humains, l'erreur est notre lot. A jouer plus vite, plus propre, que X ou Y? La belle affaire! Mais l'art se meurt quand il ne s'agit plus que de faire du "mieux" et non de faire du "nouveau"! C'est l'esprit de comparaison permanent, la crainte de l'erreur instillés depuis notre plus jeune âge qui tuent à petit feu notre créativité et notre audace. Combien osent encore faire en concert ce qu'il n'ont jamais tenté pendant les répétitions? Combien de musiciens talentueux perdent leurs moyens quand il s'agit d'improviser, de quitter le cocon rassurant de la partition et prendre le risque- horreur!- de s'égarer,voire de se tromper? La fameuse angoisse de la page blanche ne touche pas que les écrivains, n'est-ce pas... Combien encore écoutent les versions dites de référence pour "avoir une idée de l'oeuvre" avant de la jouer, réduisant le champ des possibilités d'interprétation de l'infini à la pluralité? Combien enfin se sentent coupables de ne pas avoir fait leurs heures à la fin de la journée et se disent qu'ils se rattraperont le lendemain? Je ne crois pas en une Muse qui viendrait animer d'un souffle de vie nos rabâchages techniques. Je ne crois pas qu'assiéger quotidiennement notre instrument comme l'on mène une bataille soit la clef de tout. Je crois en nous, en notre vécu, en notre richesse intérieure. Je crois en la Curiosité. Et celle-ci ne se nourrit pas de l'air de nos studios. Alors prenons le risque, sortons de notre bulle. Allons nous ouvrir au monde, aux autres arts, et nous en nourrir jusqu'à l'éclatement. Observer des tableaux et des sculptures, en saisir les lignes, les courbes, les couleurs; nous inspirer des mouvements des danseurs, des gestes des acteurs; admirer l'équilibre d'une architecture et la grande Harmonie de la Nature. Chercher la musique partout, dans les bruits du dehors, les pas d'un passant, le rythme de notre respiration... Rire, pleurer, aimer, souffrir, parcourir la gamme des émotions qu'offre la rencontre avec l'Autre. Et puis revenir à notre clavecin, notre piano, notre violon, forts de ces expériences, mettre nos sens en éveil et chercher. Travailler puis laisser reposer. Accepter de laisser faire. Que l'instrument respire, que l'on soit à nouveau surpris de ce qu'il nous offre, lui l'éternel complice mais aussi l'éternel indompté. Brisons à tout prix cette routine qui nous étouffe,Nous, Lui et la Musique, et couvre de cendres grises les flammes de ce trio amoureux.
J'ai assisté avant-hier à un très beau concert : le Diluvio Universale de Falvetti par la Cappella Méditerranea et le Choeur de chambre de Namur. J'avais déjà évoqué cette oeuvre dans un post précédent, mais l'entendre en "vrai" est une expérience d'une autre dimension.
Pourquoi ai-je été aussi émue et enthousiasmée? Etait-ce la beauté des voix (une Rad -Mariana Flores- sublime et en harmonie avec un Noé touchant-Fernando Guimarães-, une Justice Divine- Evelyn Ramirez- impériale et une Nature humaine-Caroline Weynants- d'une sensibilité et d'une fragilité poignante, pour ne citer qu'eux), l'impressionnante présence scénique de la Mort- Fabian Schofrin-, à la fois grincante, inquiétante et puissante, les couleurs changeantes de l'orchestre, la subtilité des nuances et du rubato, le contenu émotionnel très fort du texte et de la musique, la direction souple et précise de Leonardo Garcia Alarcon ? Sans doute tout cela à la fois.... C'est toujours aussi incroyable de sentir un public entier gagné peu à peu par l'émotion, les gens se regardant en souriant entre les scènes, ou ne bougeant plus, osant à peine respirer. Peu importe la fatigue d'une longue journée, les soucis, les préoccupations du lendemain, la magie opère. Et ce ne sont pas les applaudissements qui en sont la meilleure preuve mais la qualité du silence dans la salle quand la musique s'interrompt: si complet, si chargé de tension qu'il en devient palpable, vibrant, assourdissant. Amis musiciens, quand vous jouez, écoutez le silence et respectez-le: si vous l'écourtez, vous privez la musique d'une partie de son essence, si vous le faites durer trop longtemps, vous soumettez le public à la torture de l'attente. A mes yeux, l'aboutissement ultime d'un musicien est de transmettre de l'émotion et celui d'un auditeur de la recevoir. A quoi bon écrire de la musique, à quoi bon jouer sinon pour transmettre cette chose que les mots ne suffiraient pas à exprimer? Peu importe si l'émotion se transforme en chemin, car au fond chacun entend ce qui résonne en lui-même, ce qu'il est venu chercher dans cette salle de concert, ce qui lui manquait et dont il se sent enrichi en repartant. L'important, c'est cet accomplissement de ce qui fait la richesse de l'humanité: le partage. Et si la musique est "la langue des émotions", alors un concert réussi est le plus beau des dialogues. Merci aux musiciens pour ce moment intense. |
A proposParce que j'ai toujours aimé écrire. Et partager ma passion de la musique..... Categories
Tous
|