Quand cette question est posée à un artiste, la première réponse qui vient le plus souvent est : « par passion ».
Il est vrai que les musiciens ont en général une relation assez fusionnelle à leur art. La musique leur occupe l’esprit, le corps et le cœur. C’est une maîtresse exigeante, possessive même. Elle leur demande un travail constant, de la patience, de la ténacité et mobilise toute leur habileté et leur sensiblité. Inconstante autant que généreuse, elle leur offre souvent des sensations extraordinaires mais parfois aussi, se dérobe, leur échappe et met leurs nerfs à rude épreuve. Il n’y a pas de certitudes en musique, pas de routine à laquelle se raccrocher: le musicien évolue tel un équilibriste sur un fil qui oscille et menace de se rompre à tout instant. C’est ce qui en fait le prix, d’ailleurs. Mais cette implication totale n’est pas sans danger. Pourquoi par exemple, les artistes ont-ils autant de mal à supporter la remise en cause de leur travail ? Parce que cela les remet en cause dans leur identité même. Ils sont la Musique et elle est en eux. Quand un musicien joue, il met en jeu la part la plus profonde et la plus inconsciente de son être. Il dévoile une partie de leur intimité en espérant au pire la bienveillance, au mieux une adhésion enthousiaste. Un concert, une audition « ratés », ce n’est pas qu’une déception, c’est un effondrement de valeur humaine, du sommet au triple zéro. Certains y sont moins sensibles, car ils arrivent à se projeter dans des horizons plus heureux, ou bien à compenser par le souvenir de meilleures occasions. Pour les autres, c’est juste un cataclysme personnel. Et la plupart du temps, le pire c’est que ce n’est même pas le public qui a jugé en premier que c’était « raté », mais eux-mêmes. Par peur de se retrouver dans cette situation, il arrive qu’un musicien travaille jusqu’à dépasser ses limites physiques et psychiques, jusqu’à s’effondrer. Tout enseignant responsable, tout ami attentif qui remarquerait qu’un musicien s’engage dans cette impasse devrait tirer la sonnette d’alarme…Et c’est un vrai travail sur soi que de savoir distancier sa personne de son action : « j’ai mal joué », et non « je suis mauvais ». C'est un point qui me tient à coeur, mais bon le développer m'éloignerait trop du sujet initial. « Passion », disais-je donc. Oui, mais avec tout les réalités que ce mot recouvre : enthousiasme, amour, engagement, feu, haine, égoïsme, générosité… Egoïsme, car l’implication d’un musicien dans son métier est telle qu’il peut en oublier parfois qu’il existe d’autres choses dans la vie : des amis, une famille, un conjoint, qui tous ont besoin d’attention, d’affection et peuvent ne pas comprendre que l’on ne trouve pas de temps pour eux, et même parfois qu’on ne pense même pas à eux, pris comme nous sommes dans notre bulle de sons. Mais générosité aussi, car le métier de musicien repose sur l’idée de partage. N’est pas Musicien, mais musicien avec un tout petit « m » celui qui reste dans son coin à jouer pour lui-même. De même, un concert ne devrait jamais être pas un monologue mais plutôt une sorte de conversation sans langage. Un Musicien, c’est celui qui par différents moyens (concert, enregistrement, enseignement) cherche à rendre au centuple ce don qu’il a reçu, à donner en partage ce quelque chose d’inutile (au sens premier du terme) mais d’ô combien précieux qu’offre la musique. Appelons cela comme l’on veut : part de rêve, évasion, catharsis, émerveillement, suspension.... D’un autre côté, Passion n’est peut-être pas le mot qui convient. Car dans « passion » il y a l’idée de quelque chose de très fort certes, mais également d’éphémère. Un feu ardent mais voué à finir en cendres. Or la relation qu’entretient le musicien avec la Musique s’inscrit dans la durée. Il lui faut des années pour maîtriser l’aspect purement « technique » de son jeu et bien une vie entière pour essayer, tout en sachant que c’est peut-être chercher l’impossible, d’atteindre le sublime, l’absolue harmonie entre la forme et le fond, la lettre et l’esprit, le rationnel et le sensible. Plus qu’une simple attirance, la Musique nécessite un attachement. Irrésistible. Inaltérable. Cet attachement peut s’incarner dans un instrument précis, ou pas. Personnellement, quand j’ai entendu pour la première fois un clavecin, j’ai su. J’avais 6 ans et déjà - sans pouvoir l‘exprimer autrement que par « je veux faire ça ! », bien sûr - je savais que quoi qu’il arrive, cela ferait partie de ma vie et que je ne pourrai pas m’en passer. Par la suite, je me suis intéressée par curiosité à bien d’autres choses, il y a eu des hauts et des bas, des crises même, mais ce lien particulier au clavecin est resté. Fin de la parenthèse personnelle. En fait, je crois que l’on devient musicien professionnel quand on a la révélation, un jour, qu’il n’y a pas d’autre option, que pratiquer en amateur en ayant un autre métier à côté, ce serait déjà une trop grande concession, que cela ne suffirait pas à combler cet appétit irrésistible de beauté, de vibration intérieure, que l’on souffrirait chaque jour d’un manque qu’on ne pourrait même pas expliquer. Ce n’est même pas le métier d’artiste qui attire, encore que pour certains, il y ait là une idée de prestige, d’excellence qui peut flatter l’ego et donner envie d’accéder à ce statut. Non, je crois plutôt que ce qui nous pousse dans ce métier hasardeux, c’est cette sensation que c’est là le seul moyen pour nous de vivre pleinement. D’être pleinement. Une fois cela posé, il n’y a plus d’obstacles, ou en tout cas, ils deviennent insignifiants. Peu importe s’il faut travailler d’arrache-pied, endurer toutes sortes de fatigues, exercer dix métiers en un pour vivre, peu importe si le salaire n’est pas à la hauteur, si la santé va et vient, si le découragement survient, si parfois l’on se sent vide et l’on ne sait plus qui l’on est et ce que l’on a dire, l’on sait qu’il faut continuer et qu’il y aura des joies qui balaieront tout ca. Et puis bien sûr, il y a les Rencontres. Rencontres d’artistes et d’enseignants formidables qui vous font exaltent, vous poussent à donner le meilleur, vous encouragent, vous inspirent. Et puis enfin tous ces petits moments magiques qui vous redonnent la foi et l’enthousiasme et surviennent parfois quand vous ne les espériez plus...Je vous en raconterai sûrement certains... plus tard!
4 Commentaires
ALLARAMADJE FRANCOIS
2/18/2018 11:58:38 pm
JE VOUDRAI DEVENIR UN MUSICIEN POUVEZ-VOUS M'AIDER? AND I WILL WANT SING IN ENGLISH.
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Ibrahima fotté Diallo
4/12/2021 05:21:52 pm
J'aime beaucoup se zar
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Helene Diot
2/19/2018 03:32:50 am
Bonjour François, vous aider à devenir musicien, oulala, quelle mission! En vrai, c'est impossible d'aider quelqu'un à devenir musicien. Lui donner des conseils oui, mais je ne peux le faire si vous ne me dites pas quelle est votre pratique musicale, votre âge.... Devenir musicien c'est beaucoup de travail, déjà mieux vaut être prévenu. Ensuite il y a plusieurs voies, cela dépend de votre instrument, ou de votre voix, de votre style. Et pour l'anglais : prendre des cours, écouter beaucoup de chanteurs.ses. en résumé, plus de détails sont nécessaires ! Cordialement
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Ibrahima fotté Diallo
4/12/2021 05:27:15 pm
J'aime beaucoup développer dens la musique mission.
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A proposParce que j'ai toujours aimé écrire. Et partager ma passion de la musique..... Categories
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