Je ne sais pas pour vous, mais là où j’habite, à Croix-Rousse, je croise régulièrement des musiciens de rue. Généralement, je marche au pas de course pour rejoindre cours, répétitions, élèves ou amis, mais parfois j’ai le temps de m’arrêter un peu pour écouter. A force, certains me sont devenus familiers, non pas qu’on soit devenus amis ni même qu’on s’adresse la parole, mais je sais quand je vais les voir et ce qu’ils vont jouer, et s’ils ne sont pas là, ça me perturbe, comme s’il manquait quelque chose au paysage. Oh, ce n’est pas que je sois toujours ravie de leur voisinage, mais quand même, chacun dans leur genre, ils se distinguent. Je vous les présente, vous allez comprendre. Il y a d’abord les « intermittents ». - Le dimanche, jour de marché, apparaît celui que j’ai surnommé le « fou chantant ». Un vieil homme très maigre, tout en jambes, avec un chapeau melon un peu écrasé et une redingote de couleur indéfinissable qui semble venir tout droit du siècle passé. Il a sa chanson préférée, qu’il fredonne ou crie selon son humeur en sautant sur place, mais dont je mets qui que ce soit au défi de comprendre les paroles. - Le jeudi soir, c’est le Joueur de flûte, assis sur les marches de la fontaine. Pas du genre à attirer tous les enfants de la ville en les envoûtant, non, il ne connaît que trois notes, qu’il répète inlassablement et avec une lassitude déprimante dans un ordre aléatoire. A neuf sons près, un disciple de Schoenberg, peut-être? -A tout moment du jour et de la nuit, c’est l’heure du Joueur de cornemuse. Son air préféré : « ils ont des chapeaux ronds, vive les bretons ». Je suis bretonne du côté paternel, cela ne m’empêche pas d’avoir envie de l’assassiner quand il s’installe sous ma fenêtre à 4h du matin. Mais, comme j’ai la flemme de me lever, j’attends que les voisins le fassent et je peux vous dire que si ce n’est pas le roi de la cornemuse, c’est sans aucun doute celui de l’esquive, parce qu’après les noms d’oiseaux ce sont les pots de fleurs, chaussons et bombes à eau qui finissent par fuser…Il paraît qu’il traverse comme ça toute la ville, ca me console. Un peu. Ensuite, il y a les « réguliers » : - Coin droit de la place, un jeune guitariste à dreadlocks, voix un peu éraillée par la cigarette mais il chante plutôt juste et avec enthousiasme. Coin gauche, un violoniste. Répertoire de bal folk. Courageux, il joue par tous les temps (le violon aussi mérite une médaille), et avec le sourire. Le problème c’est que ces deux-là jouent souvent en même temps, en stéréo. J’ai eu une fois le réflexe bête de me boucher une oreille pour n’en entendre qu’un, mais bizarrement ça n’a pas marché. - Un duo, juste devant la grande pharmacie. Accordéon et synthétiseur. Eux, ils gèrent. Ils tournent sur le même répertoire – musique traditionnelle/chanson française, mais en improvisant dessus ou en faisant des arrangements dans d’autres styles. Parfois, un violoniste se joint à eux, et je n’ai pas pu m’empêcher de sourire une fois en les surprenant tous les trois en train de déchiffrer une nouvelle partition et apparemment d’accord ni sur le tempo, ni sur les harmonies. Ca discutait ferme, on se serait cru en répét dans un studio du conservatoire et pour un peu j’aurais lancé « Hé, collèeegues !». Et enfin il y a les « surprises » comme des étudiants du Conservatoire qui s’invitent pour se faire de l’argent de poche (on ne donnera pas de nom, hein) ou ce joueur de tympanon rencontré un samedi matin. Le tympanon c’est cet instrument-là en bas à droite: Plutôt rare d’en voir posé sur le bitume lyonnais, n’est-ce pas ? Dommage que l’accord n’ait vraiment pas été à la hauteur, sinon je serais restée écouter plus longtemps (en même temps, si je mettais mon clavecin dehors par -2°C, je pense que j’aurais quelques soucis d’accord également).
Mais le concert n’est pas fini, car une fois quittés les musiciens de rue, qui est-ce que je retrouve ? Les musiciens de métro. Alors là, le problème c’est que si le résultat sonore a du mal à passer, pas moyen de fuir par les vitres du wagon. Quand j’entends cette invariable petite phrase « Bijour, missieurs-dames, excusez-moi pour la dérange », je sais que je vais voir la mignonne petite Rom de 6-7 ans chanter ou son frère malmener son accordéon. Si c’est une boîte à rythme qui se lance, attention ! J’ai les esgourdes qui se mettent en mode « alerte rouge », je rentre la tête dans les épaules et je me prépare psychologiquement parce que c’est quitte ou double : soit c’est le clarinettiste et c’est plutôt agréable, soit c’est le chanteur et là, les deux arrêts du trajet suffisent à me donner envie de me taper la tête contre les murs. Bref, la liste serait trop longue. En tout cas, moi j’aime bien ces petits moments musicaux, ca me distrait. Et puis qui sait, peut-être qu’un jour, je tomberai sur Joshua Bell, vous savez, ce violoniste célèbre qui tenta l’expérience de venir incognito jouer du Bach dans le métro? (récit et vidéo ici : http://www.pensezbibi.com/categories/bibi-musique-sans-bemol/un-violoniste-dans-le-metro-11643 Intéressant de voir à quel point le contexte conditionne l’écoute et l’intérêt du public!
1 Commentaire
Le clavecin, ce n'est pas qu'un instrument de musique, c'est aussi un meuble d'art, avec selon le style et l'époque, dorures, peintures de couvercle et de table, rosaces décorées, incrustations d'ivoire, de nacre, etc. Chaque instrument peut être ainsi personnalisé, si on en a les moyens bien sûr, car ces options sont souvent facturées en sus par le facteur et les prix peuvent monter assez vite.
Mais pour celui qui ne peut pas mettre des mille et des cents dans la décoration, rien n'empêche de s'en occuper soi-même. Avec de l'imagination, du soin et un peu de matériel, on peut obtenir des choses plutôt jolies, la preuve: http://baroquenmd.viabloga.com/news/decoration-de-mon-epinette-a-la-feuille-d-or-3 Bravo à Chloé ! Au cours de ses études et même après, un claveciniste est souvent amené à accompagner instrumentistes et chanteurs pour un examen/une audition. Soit cela se fait à vue - on nous donne la partition juste avant d’entrer dans la salle et c’est parti-, soit on a le temps de répéter un peu avant. Et parfois ces chers petits nous en font voir de toutes les couleur
Petit florilège (pour public averti): - Je n’ai pas trouvé d’édition avec basse continue, j’ai pris la version pour piano (ou arrangement pour 4 saxophones, j’ai eu aussi), ca te dérange pas ? - Je ne suis pas très en forme aujourd’hui, tu peux transposer un demi-ton en dessous, en Fa# Majeur ? - J’aurais peut-être dû t’envoyer la partition avant, je joue la sonate X pour violon et clavecin obligé de Bach. Oui, tous les mouvements. Avec reprises. - J’ai écrit la transposition à la main, mais le crayon à papier n’est pas très bien passé à la photocopieuse, j’espère que tu pourras lire. - Le morceau fait 12 pages avec da capo. Un tourneur ? Ah non, je n’ai pas demandé. - Tu peux jouer la réduction pour piano plutôt que la basse continue ? J’ai pris mes repères dessus pour les entrées… - Le morceau est en parties séparées, mais ne t’inquiète pas, on aura le temps de le lire une fois. - Ce que dit le texte ? Je ne sais pas, je n’ai pas trouvé la traduction sur Google. - Ah mince, j’ai oublié de t’apporter le récitatif, mais bon, c’est pas difficile, tu n’as que des rondes. |
A proposParce que j'ai toujours aimé écrire. Et partager ma passion de la musique..... Categories
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