J'ai assisté avant-hier à un très beau concert : le Diluvio Universale de Falvetti par la Cappella Méditerranea et le Choeur de chambre de Namur. J'avais déjà évoqué cette oeuvre dans un post précédent, mais l'entendre en "vrai" est une expérience d'une autre dimension.
Pourquoi ai-je été aussi émue et enthousiasmée? Etait-ce la beauté des voix (une Rad -Mariana Flores- sublime et en harmonie avec un Noé touchant-Fernando Guimarães-, une Justice Divine- Evelyn Ramirez- impériale et une Nature humaine-Caroline Weynants- d'une sensibilité et d'une fragilité poignante, pour ne citer qu'eux), l'impressionnante présence scénique de la Mort- Fabian Schofrin-, à la fois grincante, inquiétante et puissante, les couleurs changeantes de l'orchestre, la subtilité des nuances et du rubato, le contenu émotionnel très fort du texte et de la musique, la direction souple et précise de Leonardo Garcia Alarcon ? Sans doute tout cela à la fois.... C'est toujours aussi incroyable de sentir un public entier gagné peu à peu par l'émotion, les gens se regardant en souriant entre les scènes, ou ne bougeant plus, osant à peine respirer. Peu importe la fatigue d'une longue journée, les soucis, les préoccupations du lendemain, la magie opère. Et ce ne sont pas les applaudissements qui en sont la meilleure preuve mais la qualité du silence dans la salle quand la musique s'interrompt: si complet, si chargé de tension qu'il en devient palpable, vibrant, assourdissant. Amis musiciens, quand vous jouez, écoutez le silence et respectez-le: si vous l'écourtez, vous privez la musique d'une partie de son essence, si vous le faites durer trop longtemps, vous soumettez le public à la torture de l'attente. A mes yeux, l'aboutissement ultime d'un musicien est de transmettre de l'émotion et celui d'un auditeur de la recevoir. A quoi bon écrire de la musique, à quoi bon jouer sinon pour transmettre cette chose que les mots ne suffiraient pas à exprimer? Peu importe si l'émotion se transforme en chemin, car au fond chacun entend ce qui résonne en lui-même, ce qu'il est venu chercher dans cette salle de concert, ce qui lui manquait et dont il se sent enrichi en repartant. L'important, c'est cet accomplissement de ce qui fait la richesse de l'humanité: le partage. Et si la musique est "la langue des émotions", alors un concert réussi est le plus beau des dialogues. Merci aux musiciens pour ce moment intense.
2 Commentaires
Non, je n'ai pas oublié que j'avais promis des exemples pour rentrer en douceur dans le monde du clavecin contemporain, mais comme d'habitude j'ai été prise dans mille projets!
Alors on va commencer par Gyorgy Ligeti, compositeur de la seconde moitié du XXe siècle: Je vous propose trois pièces différentes mais complémentaires avec, comme vous l'entendrez, toujours une obsession en arrière-plan, quelque chose (rythme, mélodie, flot de son) qui hypnotise l'auditeur. La première et la moins connue, la "Passacaille hongroise", est bien une passacaille car le même motif se répète tout au long du morceau (présenté tout seul au début, il est facile à repérer) et permet des variations. Au départ, cela pourrait -presque- ressembler à de la musique baroque mais au fur et à mesure que les voix entrent, elles sèment le trouble, le rythme s'agite, la cacophonie menace...et puis tout s'apaise. Pourquoi "hongroise"? En référence aux origines du compositeur, qui était roumano-hongrois, naturalisé autrichien. Je trouve à cette passacaille quelque chose de grincant, d'ironique, un peu comme si elle symbolisait une sorte de décadence de cette forme de danse utilisée depuis si longtemps. En d'autres termes, une mécanique bien huilée qui se gripperait.
Ensuite, nous avons le Rock hongrois. Là encore, la pièce est basée sur un motif obsessionnel (la basse le présente tout du long dans la première partie) mais avec une rythmique beaucoup plus vive inspirée de la musique traditionnelle, très irrégulière. Il faut savoir que le compositeur a indiqué un minutage pour chaque pièce, et pour le respecter, le tempo doit être TRES rapide. Ca swingue, avec un petit côté infernal qui me plaît.
Et puis, encore une fois tout s'apaise et on arrive à une sorte d'adagio déclamatoire. Je vous propose deux versions, une sur clavecin "moderne" (complète) par une claveciniste très connue pour la musique contemporaine, Elisabeth Chojnacka (un nombre important de compositions ont été écrites pour elle) et un extrait sur clavecin "ancien"
Et pour finir, le célèbre Continuum, d'une difficulté redoutable. Pas forcément techniquement, encore que ca tricote pas mal (et là encore, le compositeur a indiqué un minutage de 4' "ou moins", ce qui fait plus de 13 notes à la seconde!), mais c'est surtout que la pièce est écrite dans un flot continu (d'où le titre) , avec des variations infimes de notes dans lesquelles il est facile de s'égarer. Voici une page de la partition, vous comprendrez ce que je veux dire:
http://www.continuum.com Là encore je vous propose une version complète et un extrait ( le second parce que je l'aime bien: la théâtralisation de cette pièce est intéressante, même si la prise de son n'est pas très bonne):
Bonne écoute...
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