Je suis venue, j’ai vu, j’ai craqué….Je me suis acheté, guess what ? Un sac, un canapé, une voiture, un vélo elliptique, un robot de cuisine , un canoë kayak? Perdu, rien de tout cela ! Je savais que vous ne trouveriez pas, de toute façon, haha, c’était trop dur. Je me suis acheté un clavicorde, figurez-vous. Mais qu’est-ce que c’est ? Un instrument de musique? Oui. A cordes? Oui. Bizarre. *Vexée * Rare, plutôt. Je vous présente le bébé: Pour ceux qui veulent une explication détaillée sur ce drôle d'oiseau, voici l’article du Larousse correspondant: www.larousse.fr/encyclopedie/musdico/clavicorde/166851
Pour les littéraires, un texte du poète et musicien C.F. Daniel Schubart, qui en fait l’éloge : "Le clavicorde, cet instrument individuel, mélancolique, à la douceur ineffable, a certains avantages sur le clavecin et sur le piano-forte lorsqu’il a été fabriqué par un maître. Il produit des couleurs musicales vives aussi bien que des demi-teintes, des notes qui enflent puis s’évanouissent doucement, des trilles fondants qui palpitent à peine sous les doigts, et il fait sonner le portato aussi bien que le vibrato ; en un mot, il dispose d’une nuance d’expression pour chaque nuance de sentiment. Tout ceci peut être reproduit et suscité par la pression plus ou moins vigoureuse ou délicate d’un doigt, et par la vibration et la pulsation des cordes. Ceux qui n’apprécient pas le fracas, la frénésie ou les orages, et dont le cœur trouve volontiers un soulagement bienvenu dans le débordement de doux sentiments, laisseront de côté le clavecin et choisiront le clavicorde. (…) Lorsque vous improvisez sous la lumière de la lune ou que vous rafraîchissez votre âme par une nuit d’été, ou lorsque vous célébrez une soirée de printemps : Ah ! Détournez-vous alors du clavecin strident. Voyez votre clavicorde, il respire aussi suavement que votre cœur". En résumé, il s’agit : - d’un instrument à cordes frappées (par une tangente et par en-dessous) - capable de nuances - capable de faire un vibrato (« Bebung ») ce qui renforce l’expression. - au son très délicat et d’un faible volume sonore - ayant eu beaucoup de succès en Allemagne, notamment auprès de Carl Philipp Emmanuel qui a beaucoup parlé de lui dans son Essai sur la vraie manière de jouer des instruments à clavier: "Celui qui joue d’instruments à clavier devrait posséder à la fois un bon clavecin et un bon clavicorde. (...) Celui qui joue bien du clavicorde jouera bien du clavecin, mais non pas l’inverse (...) Le clavicorde est aussi l’instrument sur lequel on peut juger de la façon la plus sûre un exécutant." Pour l'anecdote, c'est à cet instrument que le même Carl Philipp doit sa célèbre description par Charles Burney, dans L’état actuel de la musique en Allemagne (1773) : "Après le dîner, qui fut élégamment servi et joyeusement consommé, je le persuadai de s’asseoir à nouveau au clavicorde, dont il joua sans guère s’interrompre jusqu’à près de onze heures. Au cours de la soirée il devint si animé, si possédé, qu’il ne jouait pas seulement, il était comme inspiré. Il avait les yeux fixes, la lèvre inférieure pendante, et une vapeur effervescente émanait de sa physionomie. S’il devait se mettre souvent au travail de cette manière, disait-il, il se mettrait à rajeunir." - présenté comme l'instrument de travail des clavecinistes et organistes et également très intéressant pour les commençants. Pourquoi acquérir un clavicorde aujourd’hui ? - Pour des raisons musicales : D’une part, j’ai envie d’explorer plus en détails le répertoire de la fin du 18e siècle, où l’on trouve beaucoup de pièces écrites pour le clavicorde, et même de pousser jusqu’à Mozart (qui en possédait, donc on peut supposer que certaines de ses pièces se jouent bien dessus) en pouvant faire les nuances demandées (piano/forte, crescendo - decrescendo) sans avoir besoin de tricher avec la registration. D’autre part c’est, comme le disait CPE Bach, un professeur à lui tout seul. Il faut sans cesse anticiper et modérer ses gestes : si le doigt n’est pas préparé, on risque d’obtenir une fausse attaque (en gros, juste le bruit de la tangente qui frappe la corde mais pas le son de la note !) ; si l’on presse la touche trop durement, trop fortement, de trop haut etc., le son n’est pas beau ou devient faux. Ce n’est pas forcément évident à recommander pour un débutant car plus difficile d’approche que d’autres instruments à clavier, mais je pense que cela peut-être intéressant pour un professeur de clavecin d’en avoir un dans sa classe et de faire travailler ses élèves sur les deux instruments. Il serait intéressant de comparer alors la qualité de son et de toucher obtenue par l’élève par rapport à un élève « pur claveciniste» pour voir si CPE avait raison ! - Pour des raisons pratiques : Il prend peu de place (bon, je reconnais, le mien est un modèle plutôt imposant déjà, mais les petits clavicordes se posent sur une table et se transportent dans une valise !) et est très discret, ce qui fera plaisir à mes voisins quand j’aurai envie de m’y mettre le soir après 21h (ce qui m’arrive souvent, j’adore travailler le soir). Seul point noir: c’est dur et loooong à accorder, j’ai pas pris la main encore, je finis avec les esgourdes en pelote et le dos cassé car pour les notes graves, la distance entre la touche et la cheville à accorder me force à être les deux bras tendus. Et comme j’apprends tout juste à en jouer, j’appuie parfois trop fort sur la touche, et il se désaccorde d’autant plus vite, hélas! Pourquoi est-il très peu connu encore ? Comme d’habitude, pour qu’un instrument tombé en « désuétude » revienne dans la course, il faut : - Que des gens en fabriquent et en vendent. La facture de clavicorde est encore limitée, donc trouver des instruments de bonne qualité, à des prix abordables et pas trop loin de chez vous n’est pas toujours facile. - Que des gens en jouent. De plus en plus de clavecinistes/organistes s’y mettent, le plus souvent dans un cadre privé, pour le plaisir, mais cela reste rare. - Que des gens l’enseignent. Beaucoup l’apprennent en autodidactes, mais comme je l’ai dit, ce n’est pas un instrument facile au premier abord, alors l’aide d’un professeur pourrait être bienvenue. Or, les professeurs spécialistes du clavicorde se comptent sur les doigts de la main. Etienne Baillot, Ilton Wjuniski, Marcia Hadjimarkos en France, Menno van Delft aux Pays-Bas sont les noms que je connais, il y en a sûrement d’autres, mais pas beaucoup. Ou alors ils se cachent. - Et bien sûr que des gens l’entendent ! Pour être connu du public, le clavicorde a besoin d’une visibilité. C’est là que le bât blesse : le clavicorde n’est pas vraiment un instrument fait pour le concert, moyen le plus simple de le faire découvrir à un public. C’est comme je le disais avant tout un instrument de travail, pour pratiquer à la maison. Cela n’empêche pas certains musiciens de faire des concerts, mais il faut bien en choisir le lieu. Son faible volume sonore le rend inapte à remplir les salles de concerts actuelles, aux dimensions souvent imposantes. Il exige un endroit intimiste, toute petite église, salon etc. Ce n’est pas totalement de sa faute d’ailleurs: à l’heure où nos oreilles sont sans arrêt exposées au bruit (au travail, dans la rue, dans les magasins etc.), et ceci à un volume sonore souvent assez élevé, se concentrer sur le son chantant mais ténu du clavicorde représente un effort auquel nous ne sommes plus habitués. Reste l’enregistrement. Pour peu qu’on ait une excellente prise de son, cela permet d’écouter sans effort et de profiter de toutes les nuances et du chantant de l’instrument. Voici un extrait sonore pour vous donner une idée: Peut-être qu'un jour j’en mettrais un à moi, d'enregistrement, mais pas tout de suite. J’ai encore du pain sur la planche, car pour moi aussi, c’est une découverte !
2 Commentaires
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A proposParce que j'ai toujours aimé écrire. Et partager ma passion de la musique..... Categories
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