Petit article « coup de gueule» cette fois.
Comme vous le savez, je donne des cours particuliers et j’ai le plaisir d’avoir une quinzaine d’élèves âgés de 5 ans à plus de soixante ans. Bon, tout va bien jusque là. Seulement, parmi eux, près d’un bon tiers ont fait appel à un enseignant à domicile parce qu’ils n’ont pas pu obtenir de place en Conservatoire. La raison invoquée, de manière plus ou moins implicite ? Trop vieux. Ah. A 12 ans? Moi, ça me pose un problème. Un double problème même. Par la raison en soi, comme je vais l’expliquer plus loin, et par son effet sur mes élèves : dépréciation, dépit, découragement. Un trio infernal de D, qui fait écho à ce que j’en pense : décevant, pour ne pas dire d****e (oui, je me suis levé du pied gauche ce matin). J’entends déjà les réparties: - « oh, ne te plains pas, ça fait tes affaires ». Bien sûr que ca m’apporte des élèves, mais les plaintes de mon compte en banque n’étouffent pas encore celles de mon éthique personnelle, désolée. -« C’est ce qu’on leur a dit pour pas les vexer, mais en fait ils n’étaient juste pas assez bons ». D’une : un débutant, ça doit être bon déjà? Première nouvelle ! De deux, c’est sûr que niveau diplomatie, on atteint là des sommets. On savait déjà que les adultes étaient rarement les bienvenus, ou en tout cas placés en queue de liste. Je ne dis pas que commencer très tôt un instrument ne soit pas une bonne chose. Les enfants ont une capacité d’apprentissage absolument hallucinante, ils sont souples de corps et d’esprit, spontanés et créatifs. Bien sûr, ils ont de nombreux atouts. Mais désormais, la date de péremption du débutant s’abaisse dangereusement en dessous de la barre des 10 ans et il souffle un courant de jeunisme qui claque les portes des établissements au nez de ceux qui ont eu le malheur de l dépasser. Je ne suis pas non plus hors des réalités : la demande est supérieure à l’offre et même avec la meilleure volonté, les établissement n’ont souvent le budget ni pour engager des professeurs supplémentaires, ni pour pousser les murs et construire des salles. L’heure est à l’économie, on nous le répète bien assez. Cependant, pourquoi ne pas à ce moment là appliquer la règle simple du « Premier arrivé, premier servi » ? En quoi un adulte ou un ado aurait-il moins le droit de rentrer qu’un enfant? On le sait en plus, que beaucoup des enfants qui s’inscrivent en débutant sont poussés par leurs parents et que le nombre d’abandon en IIe cycle et IIIe cycle est très élevé parce qu’il n’y a pas eu une motivation personnelle à la base ! Certes, il y a aussi des adultes qui abandonnent, faute de pouvoir trouver le temps nécessaire à la pratique, du fait de leur activité professionnelle. Mais pourquoi les décourager au départ ? Pourquoi dire à des enfants de 12 ans qu’il est « trop tard » pour l’instrument qu’ils ont choisi, mais que s’ils veulent, il reste des places en clarinette, clavecin ou contrebasse (oui, et à la piscine d’à côté aussi, tant qu’on y est)? Pourquoi l’âge semble-t-il être un critère aussi important? Hé bien - c’est mon avis et je suis prête à en discuter - , parce que malgré leurs beaux projets d’établissement où clignote en gras le mot magique « amateur » , beaucoup des conservatoires ont quand même l’ambition de former des musiciens professionnels. Limite d’âge du concours d’entrée des CNSMD ? 21 ans pour Paris, 26 à Lyon. Vu comme ça, c’est sûr qu’il faut commencer tôt pour atteindre le niveau demandé ; si on pouvait commencer in vitro, ce serait même l’idéal. Cela explique aussi en partie la logique d’examens réguliers avec un nombre de tentatives limitées, la nécessité d‘obtenir toutes ses UV pour passer, etc. Garder ceux qui réussissent et qui sont bons en tout. Une logique toute simple qui tient en un mot : écrémage. Aujourd’hui, j’avais envie de dire que cette logique ne me convient pas et que pour moi elle va à l’encontre des valeurs même que les établissements d’enseignement musical devraient défendre. Partage. Ouverture. Accueil. Surmonter les faiblesses, renforcer les points forts, s’adapter, inventer, essayer de donner à quiconque, quel que soit son bagage et ses aptitudes, la possibilité de jouer et de se faire plaisir, c’est pour moi le travail d’un enseignant. Difficile, certes, mais passionnant. Il n’y a pas d’âge limite pour la Musique. Et elle n’est pas un monde d’initiés ou d’élite. Pour qui accepte d’y aller à son rythme, avec passion, modestie, patience et persévérance, les portes s’ouvrent. (Mais attention, il faut y mettre du sien, sans quoi l’enseignant ne pourra pas faire de miracles !) Alors, si un jour on vous refuse une place, à vous ou à votre enfant, pour cette raison, ne vous laissez pas arrêter, ne perdez pas courage, et puisqu’on vous refuse la porte, hé bien….passez par la fenêtre !
2 Commentaires
Matthieu
11/11/2012 04:48:15 am
Bonjour.
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claire
3/9/2015 07:32:31 am
J'ai eu cette chance énorme d'entrer au conservatoire en piano à 11 ans après 2 ans de pratique dans une maison des jeunes, et d'être "éjectée" de la classe de piano car effectivement trop vieille pour le niveau que j'avais (j'avais juste fait illusion au test d'entrée !! ). C'était peine perdue d'avance pour le conservatoire de me rendre professionnelle de la musique Malgré tout, j'ai continué le solfège au conservatoire un an sans faire d'instrument et j'ai appris avec bonheur en fin d'année qu'il restait des places en clavecin. J'ai passé le test d'entrée en clavecin à 14 ans et ce fut une de me s plus grandes joies d'ado quand la prof m'a glissé dans l'escalier "je te prends, chuut, motus ..." car les résultats n'étaient pas encore affichés. Moi qui écoutais Bach depuis touhours et qui rêvais de jouer du violon ou du clavecin : rêve exaucé ! C'était il a 20 ans !.Et ma passion pour le clavecin est toujours là même j'ai j'ai fait une très longue pause avec mes 3 enfants. Je vais essayer de reprendre des cours "adulte amateur".
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A proposParce que j'ai toujours aimé écrire. Et partager ma passion de la musique..... Categories
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