Dans ce sujet, je proposerai dans une première partie un aperçu théorique de la notion d'agréments et ensuite, je passerai à la pratique en donnant quelques conseils pour bien les exécuter au clavecin.
Les ornements sont l'essence même de la musique vocale et instrumentale baroque : placés judicieusement, ils embellissent et enrichissent la mélodie. Issus pour la majorité du chant, ils ont été transposés aux instruments. Pour les instruments à cordes pincées comme le clavecin et le luth, ils ont également pour fonction de prolonger la durée du son et de donner une impression de nuance par l'accumulation de notes très rapprochées. On utilise souvent les termes "ornements" et "agréments" comme synonymes, pourtant on peut effectuer une distinction: -Les agréments sont des petits signes placés au-dessus ou en-dessous des notes, écrits par le compositeur et que l’on doit impérativement jouer, chacun ne concernant qu’une seule note. Ce sont plutôt à eux que je vais m'intéresser dans la seconde partie. -A l’inverse, les ornements, constitués le plus souvent d’une grande quantité de notes intercalées entre les notes principales d’une mélodie, sont facultatifs et livrés au talent et à la faculté d’improvisation de l’interprète On les trouve principalement dans les mouvements lents, dans les reprises (art du "double") des pièces et dans le cas des "cadences" (=improvisation virtuose, comme dans le 5ème concerto brandebourgeois de J.S Bach). Le premier problème posé par les agréments est que les signes employés pour en marquer la place et la nature varient selon les époques, les lieux, et les auteurs. Cela a obligé dès le XVIIe siècle les compositeurs aussi bien que les théoriciens à rédiger des tables explicatives, qu'ils plaçaient en tête de leurs pièces ou de leurs traités. Vous en avez deux exemples ci-dessous: - par d'Anglebert, claveciniste français, 1689 -par Wilhem Friedmann Bach, claveciniste allemand, 1720
Comparées l'une à l'autre, ces tables se contredisent très souvent.
Prenons par exemple le trait oblique incliné, /, simple ou double, dirigé en montant vers la droite ou vers la gauche, il exprime à la même époque chez des auteurs différents tantôt l'appogiature ascendante ou descendante, tantôt l'arpeggio, tantôt le mordant supérieur ou inférieur, tantôt un trille court, avec et sans terminaison en grupetto, tantôt enfin, comme à l'époque moderne, le vibrato, tremolo, ou répétition rapide d'une même note. Il faut donc étudier chaque signe d'ornement dans les manuscrits ou les éditions anciennes et le traduire de la bonne manière avec les indications de l'auteur, si on les possède, ou de ses contemporains et compatriotes. Cela prend du temps car ils sont nombreux : L’Affilard (1635) énumère douze variétés d’agrément, d’Anglebert (1689) et Couperin (1717), chacun vingt-sept! Pour autant, c'est nécessaire car nombreux sont les compositeurs à se plaindre de la mauvaise exécution ou de la négligence des interprètes à ce sujet: -- Ainsi Praetorius, en 1619, assigne au luth, au théorbe, à la harpe, au dessus de viole, au violon italien, le rôle d'instruments devant orner, et aux basses et autres lourds instruments, le rôle d'accompagnateurs, chargés de suivre ou de doubler le chant. Il recommande aux premiers de ne pas abuser de leur talent, de ne pas varier, diminuer et orner tout le long d'un morceau, ce qui trouble l'auditeur et cause une confusion fâcheuse lorsque les virtuoses ne se cèdent pas l'un à l'autre de temps en temps le tour de briller et qu'ils accumulent à la fois leurs accents, leurs trilles, leurs passages. -François Couperin, dans la Préface de son Troisième Livre de pièces pour clavecin, écrit: "Je suis toujours surpris (apres les soins que je le suis donné pour marquer les agrémens qui conviennent à mes Pièces, dont j'ay donné, à part, une explication assés intelligible dans une Méthode particulière, connue sous le titre de L'art de toucher le Clavecin), d'entendre des personnes qui les ont aprises sans s'y assujetir. C'est une négligence qui n'est point pardonnable d'autant qu'il n'est point arbitraire d'y mettre tels agrémens qu'on veut.Je déclare donc que mes pièces doivent être exécutées comme je les ay marquées, et qu'elles ne feront jamais une certaine impression sur les personnes qui ont le gout vray tant qu'on n'observera pas à la lettre tout ce que j'y ay marqué, sans augmentation ni diminution"
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A proposParce que j'ai toujours aimé écrire. Et partager ma passion de la musique..... Categories
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