Petit partage de mes recherches de ces derniers temps : les Ruckers dits "transpositeurs". Aujourd'hui quand on dit qu'un clavecin est simple transpositeur ou double transpositeur, on veut dire que selon la position du clavier, le "la" sera au diapason 440 et au diapason 415 (un demi-ton plus bas) ou encore qu'il pourra aussi être au diapason 392 (encore un demi-ton plus bas). Une petite manipulation et le tour est joué. Mais quand on parle des clavecins Ruckers c'est un peu différent et je vais vous raconter pourquoi. Les Ruckers, c'est une dynastie très importante de facteurs de clavecin établis à Anvers à la fin du XVIe et au XVIIe siècles. Leurs instruments étaient extrêmement recherchés, on venait en acheter de toute l'Europe et il étaient d'une valeur si estimée que quand l'évolution du répertoire a exigé des clavecins d'une plus grande tessiture, on a préféré agrandir les clavecins existants (c'est ce qu'on appelle un ravalement) plutôt que de les remplacer. Or la facture des Ruckers de cette époque a une particularité pour les clavecins à 2 claviers: ces derniers ne sont pas au même diapason, le clavier inférieur sonne une quarte inférieure plus bas! Pour des clavecins "habituels", on appelle 8-pieds le jeu sonnant à l'octave réelle, et 4-pieds le jeu sonnant une octave plus aigüe. Pour un Ruckers dans son état originel, le descriptif sera donc au clavier inférieur 6-pieds (la différence entre 8-pieds et 6-pieds étant une quarte) et 12' (jeu sonnant une octave plus haut que le 6-pieds). Et au clavier supérieur 8-pieds et 4-pieds. Vous suivez? De là découle qu'on ne peut pas accoupler les claviers. Mais on peut jouer une main sur un clavier et une main sur l'autre en faisant un petit exercice de contorsion mentale... Pourquoi ce fonctionnement particulier? Si je résume très rapidement: pour pouvoir accompagner les chanteurs plus facilement, le double diapason offrant beaucoup plus de possibilités de transposition. Et peut-être aussi pour les différentes couleurs possibles? A la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle, quasiment tous les Ruckers ont été modifiés pour prendre la disposition qui est la norme aujourd'hui, avec des claviers au même diapason. Evolution implacable et à ma connaissance irréversible de facture, ayant son utilité au vu de l'évolution du répertoire, mais le problème est que ces ravalements ont aussi changé la sonorité de ces clavecins, et qu'on a donc perdu ce qu'ils étaient originellement. Donc la sonorité qu'un Sweelinck par exemple avait en tête quand il a composé. Je ne voudrais pas rester sur une description écrite un peu aride et laisser votre imagination vagabonder sans rien à se mettre sous la dent. Alors voici ce que j'ai trouvé: un enregistrement sur une copie de clavecin Ruckers 1638 fabriqué par Matthias Griewisch. Il n'y a pas à ma connaissance beaucoup de facteurs qui se sont attaqués à des modèles Ruckers dans cette disposition, en général on voit plutôt des clavecins 1 clavier 2x8 ou 8-4, des 2 claviers 2x8 et 4. Trop compliqués de conception, trop coûteux, trop spécifiques à l'heure où la polyvalence en termes de répertoires et styles est plutôt recherchée? Je ne sais pas. En tout cas, Emile Jobin l'a fait pour Jean-Luc Ho par exemple, et Matthias Griewisch pour le claveciniste que vous allez entendre, Johannes Keller. Personnellement je trouve cet instrument magnifique. Il a en plus des jeux que je mentionnais un jeu de luth (buff stop). Je le voudrais bien à la maison! (ah, attendez, ma banque m'envoie un message : "Error 404, fonds non trouvés pour achat clavecin et changement appartement). Wat spijtig! Bonne écoute:
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